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Le paysage culturel du pays gedeo

Valeur universelle exceptionnelle

Brève synthèse

Le paysage culturel du pays gedeo qui s’étend le long de la marge orientale des contreforts escarpés des hauts plateaux éthiopiens, est un témoignage exceptionnel de la tradition culturelle autochtone gedeo d’agroforesterie ancienne et toujours vivante, avec ses cultures multi-étagées d’arbres matures offrant un abri à l’ensète, au café et à d’autres cultures vivrières. Ce système symbiotique, associant la culture et la nature, est sous-tendu par des systèmes de savoirs traditionnels de la communauté gedeo et a la capacité de maintenir les moyens de subsistance tout en assurant un environnement durable.

Les rivières alluviales abondantes et les sols fertiles des escarpements soutiennent les étagements de l’agroforesterie qui s’étend sur les vingt kilomètres qui séparent le sommet de l’escarpement des basses terres. De grands arbres abritent l’ensète indigène – (enset ventricosum) la principale culture vivrière sous laquelle pousse le café, aujourd’hui la principale culture de rapport – avec d’autres arbres indigènes, de cultures de racines et d’arbustes, etc., chaque espèce occupant un étagement distinct. Le paysage culturel du pays gedeo est la terre d’un peu plus d’un quart de million de Gedeo.

Tandis que les Gedeo sont un peuple autochtone de l’Éthiopie et sont associés à la culture de l’ensète depuis peut-être quelques milliers d’années, des traditions orales suggèrent qu’ils se sont déplacés du nord vers le sud-ouest au cours des deux derniers millénaires. Les communautés gedeo sont encore largement guidées par les savoirs autochtones et les institutions traditionnelles, notamment le Songo, ou Conseil des anciens, ainsi que le système du Ballee qui réglemente l’interaction avec la nature. Certaines zones de la forêt naturelle sont réservées comme des aires sacrées, destinées à des rituels, où aucun arbre n’est abattu ni aucune culture pratiquée, et où des espèces d’arbres indigènes et des plantes médicinales ont été préservées, tandis que sur les crêtes montagneuses, des groupes denses de monuments mégalithiques, certaines stèles et d’autres en forme phallique, étaient aussi révérées par les Gedeo et préservés par leurs anciens. Les systèmes traditionnels et les pratiques gedeo sont garants des régimes forestiers.

Critère (iii) : Le paysage culturel du pays gedeo est un témoignage exceptionnel de la tradition culturelle autochtone gedeo d’agroforesterie ancienne et toujours vivante avec ses cultures multi-étagées d’arbres matures offrant un abri à l’ensète et, plus récemment, au café ainsi qu’à des arbustes et d’autres cultures vivrières. Depuis des siècles, voire des millénaires, dans ce qui est aujourd’hui le sud-ouest de l’Éthiopie, ces pratiques traditionnelles d’agroforesterie ont permis aux communautés de vivre durablement, sur la base de savoirs et de systèmes de croyances traditionnels, qui réservaient certaines zones de la forêt comme des aires sacrées et protégeaient des groupes de stèles mégalithiques comme sites rituels.

Critère (v) : Le paysage culturel du pays gedeo est un exemple exceptionnel de la manière dont les communautés ont conçu au fil du temps des systèmes pour optimiser les contraintes et les opportunités de leur environnement naturel. Le système autochtone du Ballee des Gedeo associe les lois coutumières, les règles et réglementations, les normes et les codes sociaux afin de gérer les interactions avec la nature. Non seulement le paysage qui en résulte nourrit la plus forte densité de population en Afrique mais il entretient aussi l’harmonie avec les espèces et la richesse de la biodiversité et produit du café biologique de haute qualité. Ce système est cependant hautement vulnérable aux pressions économiques et sociales qui menacent sa résilience et sa durabilité.

Intégrité

Les attributs principaux sont inclus dans les limites du bien, bien que certaines zones du paysage qui se trouvent immédiatement au-delà des limites puissent aussi contenir des attributs. L’ensemble des attributs est extrêmement vulnérable à un grand nombre de pressions sociales et économiques. Bien que la gestion traditionnelle soit à la base de la gestion du bien, les institutions du Ballee et du Songo qui gouvernent la gestion n’ont plus l’adhésion de tous les membres de la communauté, ce qui signifie que les processus traditionnels qui soutiennent les pratiques d’agroforesterie multi-étagée ont été affaiblis. Cela pourrait entraîner un effondrement systémique. Pour que le paysage culturel du pays gedeo survive sous une forme durable et conserve sa valeur, la totalité du réseau des attributs qui traduisent la valeur universelle exceptionnelle doit être soutenu en un système unique intégré. Des mesures urgentes sont nécessaires pour soutenir et renforcer le cadre traditionnel dans le contexte d’une approche stratégique globale du développement, afin de remédier à l’extrême vulnérabilité de l’intégrité du bien. 

Authenticité

Les pratiques d’agroforesterie et la gouvernance traditionnelles soutiennent et façonnent l’ensemble du paysage culturel du pays gedeo. Les attributs sont tous interconnectés et la vulnérabilité d’une partie du système peut entraîner la vulnérabilité de l’ensemble du bien. Par conséquent, la manière dont le paysage culturel transmet sa valeur dépend de la résilience des processus traditionnels. Les pratiques et la gouvernance traditionnelles persistent mais elles ont été affaiblies et sont extrêmement vulnérables face à un grand nombre de différents facteurs économiques et sociaux, ce qui signifie que leur capacité à refléter leur signification est compromise dans une certaine mesure. L’authenticité est donc extrêmement vulnérable. Si l’on veut préserver l’authenticité du bien, et si le paysage dans son ensemble doit refléter sa signification de manière véridique et crédible à long terme, les pratiques et la gouvernance traditionnelles doivent toutes deux être renforcées et soutenues de toute urgence afin de remédier à l’extrême vulnérabilité de l’authenticité.

Éléments requis en matière de protection et de gestion

Le statut et la protection des terres utilisées de manière traditionnelle par les populations locales sont sanctuarisés dans la Constitution éthiopienne. Au niveau fédéral, la Proclamation (209/2000) sur la recherche et la conservation du patrimoine culturel reconnaît la valeur et le statut de patrimoine d’un bien qui décrit et témoigne de l’évolution de la nature et qui a une valeur majeure par son contenu scientifique, historique, culturel, artistique et artisanal. Cette protection générale des aspects culturels du bien est complétée par des instruments plus locaux qui tiennent compte des spécificités de la protection de l’ensemble du paysage culturel du pays gedeo.

Les deux principaux instruments locaux qui ont été adoptés par l’État régional des nations, nationalités et peuples du Sud sont : 1) la Proclamation (110/2007) pour l’utilisation et l’administration des terres rurales de la Région des nations, nationalités et peuples du Sud, qui stipule que « les terres dont l’usage communal comprend des affaires sociales, culturelles et religieuses sont réservées aux communautés » et 2) la Proclamation (189/2021) pour la conservation et la protection des patrimoines culturels paysagers gedeo de l’État régional des nations, nationalités et peuples du Sud.  Cette deuxième proclamation est spécifique au bien et couvre les sites patrimoniaux, les sites sacrés et l’agroforesterie qui est définie comme un « système de gestion de la terre pour la culture et l’utilisation d’une vaste gamme d’espèces d’arbres de valeur, d’animaux, en association avec des cultures annuelles et permanentes ». Elle définit aussi la structure de gestion et les mécanismes opérationnels qui permettront de traduire ses clauses dans la pratique à l’intérieur du bien, notamment des contraintes sur l’emplacement des cultures et le soutien des pratiques traditionnelles. L’étendue et les détails du paysage qui seront protégés seront déterminés par des directives, et les universités, éthiopiennes comme étrangères, doivent être encouragées à entreprendre des recherches et établir une documentation pour étayer ces directives. Celles-ci devront définir l’agroforesterie traditionnelle du bien, tant globalement que pour des zones spécifiques, ainsi que les limites des cultures.

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